PACA 07/10/2022
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CÉRÉales

"Ne pas semer, c'est abandonner"

Après des moissons plutôt "décevantes" au regard de ce qui s'annonçait au début du printemps, les regards se projettent déjà sur les semis, dans un contexte d'augmentation majeure du coût des engrais et de l'énergie. Sans lancer les dés pour prendre la bonne décision, l'équation est aujourd'hui bien complexe. Semer ou ne pas semer ? Certains hésitent encore.

La période des semis débute, mais certains céréaliers hésitent encore à semer, notamment à cause de l'augmentation du coût des engrais et de l'énergie.

© Crédit photo : DR

L'hétérogénéité est résolument le caractère dominant de cette campagne. Les moissons s'annonçaient décevantes pour la Coopérative agricole Provence-Languedoc (CAPL), et elles l'ont été. "D'habitude, on fait environ 40 000 tonnes. Cette année, on oscille entre 10 à 20 % de pertes sur la collecte, en partie à cause de la sécheresse. Évidemment, on pensait faire plus. Dans ces situations on a toujours de l'espoir", dévoile Geoffrey Marchand, responsable marché semences du groupe.

Des disparités sur les rendements selon les départements, voire les parcelles en fonction des secteurs, mais aussi dans la qualité. Une campagne d'autant plus désolante que les surfaces et les semis s'étaient un peu étalés fin 2021, et que la récolte aurait pu s'annoncer très prometteuse jusqu'à la disparition progressive des pluies1.

Pour Arterris, les moissons 2022 ont aussi été en deçà des attentes. "Les craintes de rendements pénalisés par le temps chaud et sec étaient fortes. Mais on s'aperçoit que la zone Paca s'en est plutôt mieux tirée que d'autres dans le Grand Sud. Il est clair que nous n'avons pas atteint de rendements record, les conditions ne le permettaient pas. Mais l'écart avec la norme est moins important que dans des secteurs où les résultats ont parfois beaucoup plus décroché, compte tenu du manque d'eau", commente Nicolas Prévost, responsable de la collecte pour la coopérative. Dans la région Provence, la zone de collecte de la coopérative s'étend sur un peu moins de 10 000 hectares. Cette année, Arterris y a collecté à peu près 33 000 ton- nes de blé dur, un volume qui est devenu dernièrement un standard, quand il y a une dizaine d'années le groupe en collectait peut-être trois à quatre fois plus.

Un contexte bouleversé et très volatile

En ce qui concerne la campagne à venir chez Arterris, "la coopérative est très attentive à l'évolution de plusieurs paramètres". Il faut dire que le contexte de ces derniers mois est pour le moins bouleversé et très volatile, avec des mouvements importants, qui ont eu des impacts forts et quasi immédiats sur la rentabilité des exploitations. "L'année dernière, producteurs et organismes stockeurs ont subi une forte hausse des intrants et des matières premières agricoles. Mais le marché des céréales également. Dans un contexte de rendement normal pour nos territoires, la production de céréales restait rentable sur le long terme, dans le cas plus particulier du blé dur notamment. Depuis quelques mois, le marché a connu une baisse non négligeable. On reste sur des prix historiquement élevés, mais le coût des intrants a peu été corrigé. L'équation d'il y a deux mois n'est plus la même, et les décisions en termes d'assolement sont d'autant plus complexes à prendre", observe le responsable.

Même son de cloche pour la CAPL : de nombreux facteurs convergent pour compliquer la situation. "Le prix des intrants, notamment l'azote, augmente. L'incertitude sur les prix, vu que le paiement intervient avec une année de décalage, ou encore la question des semis, qui est loin d'être réglée... cela fait beaucoup à prendre en compte", énumère Geoffrey Marchand. La spéculation est effectivement de mise et le bio en pâtit encore plus : "Avec la baisse de consommation à l'autre bout de la chaîne, c'est une filière qui se bouche".

Au niveau mondial, tout laisse penser que le prix des matières agricoles restera soutenu. La consommation, généralement toujours plus difficile à estimer que l'offre, pourrait elle aussi être légèrement rééquilibrée par l'inflation.

Décider sans avoir toutes les données

"Aujourd'hui, nous n'avons pas la réponse sur les équilibres des assolements, puisqu'ils touchent toutes les cultures. Il faut les raisonner par rapport à son terroir et aux performances pluriannuelles de son exploitation sur les différentes cultures", complète Nicolas Prevost. Sans pouvoir avancer de chiffres, les assolements devraient être sensiblement similaires à ceux de l'an passé et Arterris ne s'attend pas, non plus, à des bouleversements majeurs. Pour prendre un exemple concret, les céréaliers devraient aujourd'hui être en capacité de s'organiser pour semer les colzas, mais à mi-septembre, il faisait trop sec et ces surfaces seront donc occupées par d'autres cultures. D'autant plus que la nouvelle Pac continue à générer de nombreux doutes sur cette question des assolements.

Pour les blés durs, si les abats d'eau ne sont pas très importants et permettent les mises en culture, les premiers semis devraient intervenir début octobre. Mais la zone est, durant cette période, souvent sujette à de gros épisodes pluvieux. Un rattrapage reste cependant possible par la suite. "Toute la difficulté est de prendre des décisions sans avoir toutes les données. C'est aussi le propre de l'agriculture", énonce Nicolas Prevost.

Une incertitude qui pèse cependant lourd sur le moral des producteurs. "Les agriculteurs ne sont pas motivés. Nous aussi, nous avons des inconnues dans l'équation. Bien sûr il y a des petits indicateurs. Mais il y a trop de paramètres pour donner de vraies certitudes", se désole son homologue de la CAPL. Alors que la pluie s'est invitée ces derniers jours, impossible toutefois de dire qu'elle sera suffisamment présente jusqu'au moment des semis. Blé dur, blé tendre, orge, rien du tout... "Jusqu'au dernier moment, ils douteront. Sûrement vont-ils semer, même à contrecœur, parce que ne pas semer, c'est abandonner", affirme Geoffrey Marchand.

Ce dernier n'exclut d'ailleurs pas le basculement vers d'autres cultures, estimées plus rentables. "On a eu l'exemple avec la lavande et le lavandin. On sait ce que cela donne de miser sur un tel changement. Finalement, les céréales y ont perdu et les producteurs qui sont passés sur de nouvelles surfaces en lavandin n'y ont pas gagné non plus, puisque cela a mené à un effondrement progressif du marché", met-il en garde.

Le discours n'est pas des plus motivateurs, ils en conviennent. Mais ils espèrent au moins que rappeler la réalité des faits permettra aux producteurs de prendre leurs décisions en toute connaissance de cause. 

Emmanuel Delarue et Manon Lallemand •

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